Décembre 2016

Été 2016
Une fonte record équivalente à 2007

Contre toute attente, le minimum annuel d’étendue de la banquise arctique enregistré le 10 septembre 2016 est associé à une valeur record qui le place, avec celui de l’année 2007, en seconde position derrière le minimum de l’année 2012, record inégalé sur les 37 années de mesures satellitaires. Ce minimum annuel identifie donc 2016 comme une nouvelle année record de faible englacement. Le 10 septembre, la banquise couvrait une surface de 4,14 millions de km2, soit seulement 750 000 km2 de plus que le minimum record de 2012, mais plus de 2 millions de km2 de moins que la moyenne calculée sur la période de référence 1981-2010.

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Minimum d'extension de la banquise arctique estivale le 10 septembre 2016 - © Université de Bremen (Germany)


De larges étendues d’eau libre étaient visibles ce 10 septembre dans les mers sibériennes (mers des Laptev et de Sibérie Orientale) et dans le secteur pacifique de l’Arctique (mers des Tchouktches et de Beaufort). Les passages du Nord-Ouest (route d’Amundsen) et la Route du Nord étaient ouverts. L’étendue des glaces pluriannuelles les plus âgées (4 ans ou plus) avait encore diminué. Ces glaces anciennes, donc épaisses, ne représentaient plus que 3% du couvert estival, soit 100 000 km2, alors qu’elles constituaient un tiers des glaces au milieu des années 80.

Ce minimum record 2016 a été une surprise car la persistance d’un englacement relativement important à la fin du mois d’août laissait présager une fin d’été plus englacée. Juillet et août ont en effet été relativement peu propices à la fonte. Les températures atmosphériques de 0, 5 à 2°C plus basses que la moyenne de référence dans le centre de l’océan Arctique, associées à des conditions nuageuses et des tempêtes fréquentes ainsi qu’à des basses pressions persistantes sur le centre de l’océan Arctique, deux facteurs favorisant un étalement de la banquise, ont permis de maintenir un relatif englacement cet été. De fait, le mois d’août 2016 ne se place qu’au 4ème rang des mois d’août les moins englacés de la période satellitaire.

C’était sans compter les effets d’un hiver 2015-2016 particulièrement clément qui, en mars 2016, avait laissé une banquise arctique de très faible étendue, proche du record de 2015 et, surtout, particulièrement peu épaisse, donc plus vulnérable aux forçages atmosphérique et océanique. Si les conditions atmosphériques estivales sont connues pour jouer un rôle primordial dans l’évolution de la banquise au cours de la saison de fonte, il semble que son épaisseur en fin d’hiver constitue un possible élément de prévisibilité de son évolution l’été suivant. Une banquise plus mince est en effet plus facilement disloquée sous l’effet des vents mais aussi plus encline à fondre sous l’effet des apports de chaleur d’un océan relativement chaud qui sont particulièrement influents en fin d’été, lorsque l’atmosphère s’est déjà refroidie. On a de fait observé un réchauffement précoce de l’océan dans l’ouest de la mer de Beaufort et de la mer de Sibérie Orientale durant l’été 2016. Mais le passage de deux cyclones majeurs qui ont traversé l’océan Arctique entre le 14 et le 23 août 2016 qui ont certainement conduit au délitement du couvert de glace sous l’effet de fortes vagues (jusqu’à 5,9 m de haut en mer de Kara selon les simulations pour le premier cyclone) favorisant notamment le mélange avec les eaux chaudes océaniques génératrices de fonte. La conjonction de tous ces facteurs a entrainé des taux de diminution d’étendue de glace record dans les premiers jours de septembre 2016. Ce sont ainsi plus de 34 000 km2 de glace qui disparaissaient chaque jour, contre moins de 20 000 km2 par jour lors de l’année record de 2012. Suite à ce record 2016, le taux de décroissance pluri-décennal, qui mesure le déclin du couvert de glace en Arctique sur la période satellitaire, s’élève maintenant à 13.3 % par décennie.

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Comparaison de l'extension mensuelle moyenne de la banquise estivale en Arctique depuis 2012 - © NSIDC


En dépit de ce minimum d’étendue exceptionnel, la reprise en glace a été particulièrement rapide dès la deuxième moitié du mois de septembre, de sorte que l’année 2016 se positionne à la 5ème place des mois de septembre les moins englacés. Cette reprise en glace a été particulièrement saillante au centre de l’océan Arctique et en mer de Laptev, alors que l’englacement est resté anormalement faible dans les mers de Beaufort, des Tchouktches et de Sibérie Orientale.

Le devenir de la banquise arctique au cours des prochains mois d’hiver est encore largement incertain. Après l’embâcle précoce et rapide de la fin du mois de septembre, octobre a marqué le pas avec des taux de croissance de glace particulièrement faibles, équivalents au tiers de ceux enregistrés en moyenne à cette période de l’année. Cette situation anormale semble pouvoir être reliée à un déplacement des grands systèmes de circulation atmosphérique. Des basses pressions en mer de Béring, côté Pacifique, et la présence d’une zone de hautes pressions sur le Nord de la Scandinavie, côté Atlantique, ont pu favoriser des arrivées d’air chaud sur l’Arctique. Néanmoins, il est fort probable que les températures de surface océaniques particulièrement chaudes enregistrées dans les zones libres de glace soient à l’origine des conditions atmosphériques anormalement chaudes du mois d’octobre en Arctique. La persistance de telles influences sera déterminante pour le devenir du couvert de glace sur les prochaines semaines.

Marie-Noëlle Houssais, Décembre 2016


Pour en savoir plus :

Voir le site du Polar view center de l'Université de Bremen (Germany)
Voir le site du NSIDC (National Snow and Ice Data Center - USA)


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