17
December
2017

L’Antarctique, notre maison à tous

Par Laurent Mayet, Président fondateur du Cercle Polaire

À trop braquer les projecteurs sur l’Arctique, on finirait par oublier l’autre pôle, l’Antarctique. Bien sûr, le pôle austral est protégé par un cadre juridique international qui le déclare « réserve naturelle, consacrée à la paix et à la science », où « toute activité relative aux ressources minérales autre que la recherche scientifique est interdite », quand l’Arctique, lui, ne possède pas de cadre juridique sui generis à même de prendre en compte les spécificités et la fragilité de l’environnement boréal. En matière de gouvernance écologique des activités humaines, l’urgence est donc bien du côté de l’Arctique. Mais une priorité n’efface pas l’autre, et si l’on devait compter avec un phénomène de contagion, la question est ouverte de savoir qui du Grand Sud ou du Grand Nord influencerait l’autre ?

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Un manchot adélie, un skua subantarctique, un cormoran royal et un manchot papou en Péninsule antarctique.


Trente-deux ans après le gel du contentieux territorial par le traité sur l’Antarctique de 1959, le protocole de Madrid a consacré un nouveau gel, celui des activités minières. L’adoption du Protocole de Madrid  en 1991 a consolidé de manière décisive le système du Traité sur l’Antarctique. Ainsi que la France l’avait déclaré lors de son adoption : « le Protocole fait accomplir un grand pas aux efforts actuels visant à la sauvegarde de la planète pour les générations futures. Sans aucun doute, il constitue un modèle pour l’avenir ».

 Les procédures d’amendements prévues par le Traité sur l’Antarctique et le protocole de Madrid garantissent un haut niveau de protection et l’on peut considérer que jusqu’en 2048 au moins la prohibition est garantie, sauf unanimité des États parties consultatives. Au-delà de cette période, les procédures d’amendement contenues dans le protocole de Madrid impliquent de réunir des majorités fort difficiles à atteindre, garantissant une certaine pérennité aux dispositions de cet instrument juridique.

Pour autant, dans la Stratégie pour développer les activités de la Fédération de Russie en Antarctique jusqu’à 2020 et au-delà, l’un des objectifs affichés est « l’exploration géologique et géophysique des ressources minérales et énergétiques du continent antarctique et des eaux environnantes » en vue de « renforcer la capacité économique de la Russie dans l’utilisation des ressources naturelles disponibles en Antarctique ». Si la Russie s’entêtait à définir sa politique antarctique à partir d’intérêts stratégiques et économiques, même sans violation manifeste du Système du Traité sur l’Antarctique pour ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles, elle risque fort d’induire une érosion de ce régime international pacifique.

À l’heure où la Fédération de Russie et plus récemment, la République populaire de Chine brisent un tabou structurant des relations internationales sur l’Antarctique, en affichant de manière décomplexée leur volonté d’ouvrir le continent blanc à l’exploitation des ressources minérales, le continent blanc mérite toute notre attention. L’avenir de l’Antarctique dépendra du capital d’empathie dont il bénéficiera auprès de l’opinion publique mondiale.

Comme l’a si bien exprimé, l’ancien secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, « l’Antarctique est notre maison à tous ».

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